dimanche 18 octobre 2015

Sortie de rentrée

Nous devons reconnaître que nous n'avons pas été très productifs en 2015 sur ce blog : il était temps de réparer ce manquement.
Il faut dire, à notre décharge, que nous n'avons pas eu une actualité débordante, hélas, depuis les premières mouvementées de Diktat (voir article précédent). Nous qui comptions jouer et rejouer cette pièce aussitôt après ces premières avons bien été obligés de nous rendre à l'évidence : la plupart des programmations des festivals 2015 étaient déjà bouclées au moins jusqu'à l'été ; donc, leçon N°1, à l'avenir, ne pas présenter de première en janvier.
L'affiche DIKTAT signée EmporiumIl a donc fallu fouiller, prospecter, chercher, creuser, pour trouver des salles prêtes à nous accueillir en dehors de toute programmation : ce n'est déjà pas facile avec un spectacle "normal", mais avec une pièce telle que Diktat, je vous laisse imaginer les fins de non recevoir que nous avons dû essuyer !
La première personne à nous avoir ouvert sa porte est Christian Chilli, président de l'association Emporium à Ampus, petit village varois non loin de Draguignan. Nous avions déjà été conviés par Emporium dans la salle municipale de ce village pour une lecture consacrée à Albert Cohen en 2011 et n'avions pas pu y donner La mastication des morts pour raisons techniques.
La réponse de Christian Chilli lorsque nous lui avons soumis notre proposition est à mettre en exergue sur le "Petit Manuel des Programmateurs de Spectacles" : "Nous n'avons pas du tout l'habitude de
Gérard, Corine et Yves
programmer ce genre de pièces à Ampus, donc... on va la programmer !" Voilà qui est gonflé dans un petit village de 1000 âmes, non ? Respect ! Une belle leçon pour ceux qui s'abritent derrière des "Ce n'est pas pour mon public" ou "cette pièce n'entre pas dans le genre de notre programmation"...etc, sous-entendu, on préfère ne pas prendre de risques et continuer de proposer l'artillerie lourde (parfois très lourde !) à un public qui ignore peut-être à quel point il est méprisé par ses programmateurs qui ne veulent que "son bien". Difficile de faire bouger les choses avec une mentalité aussi figée. A quoi bon proposer des spectacles de théâtre si c'est pour reproduire l'anesthésie télévisuelle généralisée ?
Article de Bernard Giuli (Var Matin 14/09/15
Nous sommes donc ravis, ce 11 septembre 2015, de poser nos décors dans la salle polyvalente d'Ampus. On oubliera très vite les petits soucis d'ordre technique, grâce à la mobilisation sans faille de l'ensemble des membres de l'équipe d'Emporium pour que tout se déroule le mieux possible ; encore un immense merci à eux ! Et miracle ! le public a répondu présent ! Bon, certes, ce ne sont pas les mille Ampusiens qui sont tous venus voir Diktat, mais une quarantaine d'entre eux, spectateurs attentifs, sensibles au sujet de la pièce et à notre jeu. Le pari initial de Christian Chilli est gagné et c'est bien là l'essentiel. Et pour notre part, le souvenir de cette soirée fera définitivement partie des meilleurs de la Cordée avec, en prime un article bien sympathique dans Var Matin.



Affiche ThéâtrÔ4 2015Une autre personne qu'il convient de saluer ici s'appelle Gilles Grazilly, de la F.N.C.T.A. des Alpes-de-Haute-Provence. Nous lui devons toute notre gratitude pour avoir soutenu Diktat et obtenu sa programmation au Festival ThéâtrÔ4 de Dignes-les-Bains (04). Nous y avons donc joué le 19 septembre, dans le très joli théâtre René Char. Là encore, grand bonheur de jouer devant un public des plus attentifs, des plus captivés par le propos d'Enzo Cormann et notre interprétation. Quel plaisir ensuite de recevoir les messages, oraux ou écrits, des spectateurs enthousiasmés par ce spectacle !
Photo Jean-Pierre Maunier (La Valette)Cette liste d'hommages ne serait évidemment pas complète si nous ne citions pas ici Anne-Marie Vautrin du Théâtre de l'Éventail (La Valette-du-Var)
qui, elle aussi, a jugé pertinent de nous programmer dans le XXIV° festival de théâtre de La Valette où nous nous sommes donc produits le 26 septembre dernier. Un Théâtre Marélios quasiment plein, des spectateurs toujours et encore séduits par ce spectacle et encore des messages adorables, dont celui d'Anne-Marie ou de Guy Foissy himself, qui nous vont droit au cœur.


On le voit, la rentrée a été bien chargée pour la Cordée, mais quand cette charge est synonyme de plaisir(s), comment s'en plaindre ?
Ajoutons à cela notre lecture, "En voyage", du 10 octobre à la bibliothèque de St Cyr-sur-Mer où la sympathique équipe de Céline nous a accueillis avec son incomparable convivialité ; vraiment dommage que le public n'ait pas suivi.
Enfin, et pour être tout à fait complet, il nous paraît ici incontournable de saluer le travail exemplaire de notre amie Isabelle Vintenon qui, lors de notre répétition de fin août à Fayence, a effectué une très talentueuse séance photographique dont vous pouvez trouver ici quelques échantillons remarquables. Un grand merci à elle !

Photo : Isabelle Vintenon Photo : Isabelle Vintenon

Photo : Isabelle VintenonPhoto : Isabelle Vintenon

Photo : Isabelle VintenonPhoto : Isabelle Vintenon

Photo : Isabelle Vintenon

Rappel: un simple clic sur chaque image l'affiche au format original

Et comment évoquer Isabelle sans parler de son compagnon, Issiaka Diarra, notre dévoué régisseur ?
Régisseur épaulé par le non moins impliqué Gérard Garnaudier venu enrichir la Cordée depuis la création de Diktat. Nous qui craignions d'avoir de grosses difficultés pour avoir un régisseur, nous en avons aujourd'hui deux : les meilleurs du monde !

Gérard et Issiaka en régie à Digne-les-Bains

Nous publierons bien sûr ici les prochaines échéances qu'on espère nombreuses, bien entendu. Mais nous sommes confiants : 2016 devrait être une bonne année pour Diktat et la Cordée.

YG

lundi 19 janvier 2015

Charlie-Enzo

Affiche Diktat avec bandeau
Pour les amateurs que nous sommes, mais aussi pour les professionnels sans aucun doute, l’échéance d’une première est synonyme d’anxiété(s), de trac, d’incertitudes certes, mais c’est aussi la joie, le bonheur suprême de grimper enfin sur la scène et de présenter le fruit de longs mois de travail au public. Les dernières journées avant le jour J sont en revanche un peu stressantes ; il faut s’assurer de la bonne marche des ultimes préparatifs, invitations, réservations, repas… etc. Nous ne saluerons jamais assez, pour ce qui nous concerne et à ce propos, l’équipe du Foyer Rural de Fayence-Tourrettes qui nous épaule indéfectiblement de façon remarquable. On pense ici à Lucile, Isabelle, Mireille, Coralie, Laurence, Chantal, Félix, Michel et Isabelle… pour ne citer qu’eux.
Nous devons donc avouer que dans de telles conditions, les « soucis » sont significativement atténués et on peut espérer n’avoir qu’à se concentrer pour donner le meilleur de nous-mêmes… sur scène.
Sauf que.
Sauf que nous ne pouvons tout maîtriser et surtout
pas l’actualité. Et quelle terrible actualité pouvait être plus accablante que celle de ce mercredi 7 janvier 2015 ?! Cet immonde attentat prenant pour cible l’équipe de Charlie Hebdo, fauchant ceux que nous considérions depuis toujours, sans même les connaître personnellement bien sûr, comme de très chers amis. Effroyable, barbare, stupide, inacceptable. Inutile de redire ici l’effroi suscité par cet événement et celui, parallèle, de la tuerie de la Porte de Vincennes.
Anéantis. Comme la plupart des Français, nous sommes anéantis, désespérés. Et pourtant, la vie doit continuer… The show must go on ! Nous devons jouer ces deux premières, nous devons plus que jamais porter les mots d’Enzo Cormann, les maux de ce monde furieusement terrifiant. Mais comment se concentrer dans de telles conditions ? Cette hécatombe est en nous, à chaque instant et les larmes coulent régulièrement pendant les deux jours précédant la première. Nous ne pouvions imaginer pire mise en condition !
Néanmoins, le fait de présenter Diktat, précisément, qui déjà en temps normal eût été un challenge, prend alors une tout autre proportion.
Pour ceux qui ne connaissent pas le propos et qui n’étaient pas présents à ces premières, nous devons préciser que le texte d’Enzo Cormann parle justement d’une prise d’otage dont la tournure dramatique, si elle n’a pas grand-chose à voir avec ces événements tragiques, débouche également sur un massacre. L’écho suscité est évidemment inévitable, incontournable et notre appréhension est pesante, indépendamment du fait que notre choix est absolument assumé, cela va sans dire. Ces deux représentations s’annoncent donc des plus particulières.
Nous apprenons peu avant de monter sur scène, vendredi 9, l’issue tragique de l’Hyper-Cacher de la Porte de Vincennes, ainsi que la mort des frères Kouachi abattus à Dammartin-en-Goële.
Voilà.
Le public entre, s’installe. Il faut y aller !
Nous parvenons malgré tout à habiter les deux personnages, à entrer dans le vif du sujet. Totalement. Nous sentons le public happé par les mots désespérés de Val, par la posture vacillante de Piet… Les spectateurs sont là, avec nous, figés, tétanisés par ce télescopage entre réalité et fiction.
Les applaudissements sont nourris, intenses, vrais, touchants, pendant un salut empreint d’une grande émotion.

Val (Corine Guillerault) et Piet (Yves Guillerault)

Nous aurons le même sentiment, le lendemain samedi, avec un public aussi captivé et, une représentation tout aussi intense et, pour nous, la conviction d’avoir fait le bon choix, indépendamment de cette insupportable actualité. Le théâtre est et doit être politique.
Plus légèrement, et puisque nous parlons ici de politique, il apparaît ici pertinent de saluer l’implication dans l’action culturelle des élu(e)s politiques locaux* qui, bien qu’invité(e)s à ces premières, n’ont pas daigné être présent(e)s, sans même s’en excuser au préalable, bien évidemment. Il est vrai qu’avaient lieu les mêmes jours (mais pas aux mêmes heures) les vœux de deux des huit maires du canton de Fayence ; une autre sorte de « représentation » bien plus importante, en effet, que d’aller voir d’obscurs théâtreux déjà assez subventionnés comme ça ! Ah ! Si seulement Cabu était encore là pour nous croquer tout ça !

6 des 12 victimes de la tuerie du 7 janvier 2015

Pour conclure, nous tenons à remercier également ici Christine Bernard et Daniel Lenglet pour leur sympathique dépannage de matériel vidéo qui nous a permis, à défaut d’avoir des photos, d’immortaliser ces deux premières de Diktat.
Sans oublier toute notre profonde reconnaissance à l’équipe des régisseurs de la Cordée, Félix, Diarra, Gérard et Frédéric. Notre totale gratitude va également à Pierre Tallou, régisseur de l'Espace culturel de Fayence, pour sa précieuse collaboration et ses judicieux conseils, et à son sympathique collègue Christian.

Diktat est maintenant sur les rails, et nous ne manquerons pas de vous indiquer le nom de toutes les gares où notre train s’arrêtera bientôt.

Et n’oublions pas : « Sous ce que l'homme nomme complaisamment sa grandeur, on ne trouve le plus souvent qu'un corps malingre et apeuré, un écheveau inextricable de calculs mesquins, de réflexes de sauvegarde, d'ambitions infantiles… Le roi est nu dessous l'armure. Nu et transi, pitoyable, futile… » (E. Cormann in Diktat)
Y.G.

*Les maires et adjoint(e)s de : Bagnols-en-Forêt, Callian, Fayence, Mons, Montauroux, St Paul-en-Forêt, Seillans, Tanneron et Tourrettes. Seul Monsieur Guillaume Decard, adjoint à la culture de la ville de St Raphaël (hors canton de Fayence, donc) a pris la peine de s’excuser ; qu’il en soit ici remercié.