mercredi 30 octobre 2013

R.I.P. L.M.D.M. (ou IN MEMORIAM) (3 décembre 2012)

De Fayence à Cucuron, en passant par Annecy, Dourdan ou Marseille, nous avons eu l'immense privilège de vous présenter, pendant presque trois ans, Sophie Larguit, Serge Lemoine, Léon Barbin (dit «Le Beau Léon») ou Victoria Raillon... Privilège de faire (re-)vivre des morts qui ne prennent vie que parce qu'ils sont morts ! Paradoxe magnifique du théâtre, mais paradoxe sublimé par le génie de Patrick Kermann. Il va de soi que la première de nos reconnaissances va vers lui, auteur fabuleux qui a su décrire si justement la vie de ces morts si banals et si exceptionnels par leur banalité, justement. Il est évident que cette aventure nous a apporté mille joies, mille plaisirs, mille rencontres... Certains (comme moi !) trouveront peut-être troublant que la dernière représentation de cette Mastication des morts, le 1er décembre 2012 à Cucuron (Vaucluse), fut donnée dans une salle nommée «l'Eden» ! Mais quoi de plus logique, finalement ? N'ont-ils pas mérité le paradis, les Vinchon, les Rouart, les Duchamp (de St Aignan) ? Bien sûr que si !


Notre grande joie, aura été toutes ces couronnes de fleurs reçues tout au long de ce parcours dans l'au-delà ! Naïvement, nous avons d'abord cru qu'elles nous étaient destinées ces fleurs, tout comme ces louanges ou ces applaudissements ! Mais non, ce n'était pas pour nous, c'était pour eux, pour toutes les Morétaines, pour tous les Morétains enterrés non loin de la tranquille rivière Raguse ! Bien sûr ! Aimée Dupont (Épouse Nadin) nous avait d'ailleurs prévenus : elle n'avait rien contre les fleurs et les couronnes ! C'est vrai que c'est plus gai, non ?
Vous aurez été un peu plus de 4000 à venir vous recueillir dans la joie, l'émotion, le rire ou la gravité sur ou à côté des tombes du petit cimetière itinérant de Moret-sur-Raguse : au nom des Morétaines-z-et Morétains cité(e)s plus haut, nous tenons à vous remercier le plus profondément, le plus chaleureusement possible. Sans vous et vos dépôts de gerbes d'enthousiasmes multicolores, nous n'aurions pu vous colporter ces morts joyeuses ou tristes, et ces morts eux-mêmes, si proches de nous tous. Merci.


Comme l'a très justement écrit Corine, reprenant un autre génie nommé Jean Anouilh, nous sommes désormais «inconsolables et gais». Inconsolables d'abandonner un spectacle aussi jouissif que celui-ci, bien sûr, mais incontestablement gais parce que nous savons finalement que tous les défunts de Moret-sur-Raguse seront éternellement condamnés à vivre ! Grâce à d'autres troupes, d'autres comédiennes et comédiens, d'autres décors, d'autres Morétains même (que nous avions laissés dans leur caveau de papier). Oui, elle est aussi là notre joie ; savoir que la Compagnie de la Cordée n'aura été que le jouet, le pantin du Dieu Kermann qui a su merveilleusement nous manipuler afin que nous donnions vie à notre tour à ces marionnettes sépulcrales. Chapeau bas, Monsieur Kermann ! Vous nous avez bien eus ! C'est sûrement pour cela qu'à chaque représentation, "on se sentait comme qui dirait bizarre..." Mais nous sommes restés sages. Pas question de se révolter, ni pour cela, ni pour "l'ostentation ornementale des caveaux de la classe possédante" ! N'est pas Pascal Grangeon qui veut ! On en aurait sûrement perdu la tête !
Non, nous avons su garder les pieds «sous» terre, et c'est heureux.
Comme nous sans doute, vous n'aurez rien appris de la mort en parcourant les allées tonitruantes de cette nécropole agitée de Moret-sur-Raguse. Non, en fait, la mort, comme Jacques Rimey, on ne sait pas vraiment.
Mais la vie, là oui, on sait... Là, oui, on sait la vie.

Yves


L'ouvrage "La mastication des morts" de Patrick Kermann est édité chez Lansman Editeur

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire